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Robert Mascarell

croit plus que jamais à l'existence, prouvable, de la lutte des classes, qu'à celle, improuvable, de dieu

JE MOURRAI HEUREUX !

Ce qui suit est le cri du cœur poussé par un homme de 75 ans, effrayé du cours pris par sa France et par l’espèce animale à laquelle il appartient. Cet état qui fait que, moi, un amoureux inconditionnel de la vie, un véritable boulimique, j’en arrive de plus en plus à me dire que je vais mourir heureux. Heureux de mourir assez tôt avant que, au train où vont les choses, il soit insupportable de vivre au milieu d’une société de plus en plus déshumanisée.

Ce cri est le fruit d’une immense tromperie. Celle qui a prétendu justifier le vote d’une loi qui devait soi-disant simplifier les rapports des parties aux procès prud’homaux avec l’institution judiciaire, mais qui, au contraire, les a complexifiés à l’extrême, occasionnant même des frais supplémentaires aux justiciables, par l’immixtion d’intervenants supplémentaires, entre autres nouveautés.

Bref, nous voilà entrés dans une sorte d’univers bureaucratique, parfaitement décrit par un grand auteur tchèque, Franz Kafka, dont l’ouvrage principal est justement intitulé « Le Procès », et qui, par ailleurs, a beaucoup écrit sur la justice. À partir de son nom, à cause de son œuvre, a été forgé le mot kafkaïen, une épithète exprimant l’absurdité et l’illogisme d’une situation.

Dans ma plainte, m’est aussi venue une autre référence littéraire, vieux souvenir de lecture, tout aussi effrayante, il s’agit du roman « Le zéro et l’infini » du grand écrivain hongrois, Arthur Koestler. Lui aussi décrit dans ce récit les absurdités criminelles d’un système politique et judiciaire, le système stalinien en l’occurrence.

Fait aggravant, l’auteur de cette loi aberrante, qui n’était que ministre, est maintenant président de la République. Il va récidiver à la puissance 10, en voulant fouler aux pieds cent ans de droit social, qui plus est, précipitamment.

Mais qu’est devenu notre peuple ? Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été alerté par de grands esprits.

Déjà en 1934, grâce à son intelligence lumineuse, Einstein, ce si grand savant et, mieux encore, humaniste, constatait dans « Comment je vois le monde » : « Ce que l’ingéniosité des hommes nous a offert dans ces cent dernières années, aurait pu faciliter une vie libre et heureuse, si le progrès entre les humains s’effectuait en même temps que les progrès sur les choses. » Mais, poursuivait-il plus loin : « L’égoïsme et la concurrence restent hélas plus puissants que l’intérêt général ou que le sens du devoir. » Et de proposer : « Si nous voulons une vie libre et heureuse, il y faudra nécessairement renoncement et restriction. »

Aussi, je fais mienne cette sentence d’Einstein, que je sollicite beaucoup décidément : « Je me refuse à croire en la liberté et en ce concept philosophique. ». Respectueusement, je me permets de, très prosaïquement, la préciser : Non à la liberté du renard entre les grilles du poulailler, libre de ne pouvoir fuir.

Ce même Einstein qui écrivait : « Je suis réellement un homme quand mes sentiments, mes pensées et mes actes n’ont qu’une finalité : celle de la communauté et de son progrès. »

Jusqu’à un philosophe comme Michel Serres, pourtant exemple de sérénité, qui n’en soit à ce stade de désespoir parce que « L’Homme, dit-il, ne se retient plus. La Raison ne se retient plus. La Vérité ne se retient plus. La Puissance ne se retient plus. Par conséquent, l’espèce humaine est vitalement condamnée. Le jour où il n’y aura plus que des hommes dans le monde, le jour où nous serons tout seuls, nous n’aurons pas gagné, nous aurons tout perdu. L’homme en tant qu’espèce vivante doit désormais adopter cette morale de la retenue. »

Il ne peut y avoir de progrès, écrit le philosophe André Comte-Sponville : « que s’il ne remet pas en cause, par sa démesure, les conditions naturelles qui l’ont rendu possible et sans l’équilibre desquelles c’est notre vie, bientôt, qui risque de ne plus l’être. »

Plus explicitement, le même auteur a écrit : « La nature n’a rien fait pour sauver les dinosaures ».

J’ajouterais à ce constat lucide, qu’elle a plus de raison de ne pas nous sauver, si 1 % des hommes continuent à consacrer leur intelligence à martyriser 99 % de leurs congénères et notre écosystème.

Au lieu de quoi, le seul idéal proposé à nos jeunes est de devenir milliardaires, sans même la moindre précaution oratoire, quant à la manière d’y parvenir, ou précaires. Quelle déchéance intellectuelle !

Où sont passées nos humanités ?

Einstein, au secours ! reviens, ils sont devenus fous !

Et si le monde horrible imaginé par Aldous Huxley, dans son roman « Le meilleur des mondes », et par George Orwell, dans son roman « 1984 », advenait ? Tout pousse à le craindre. Gageons que, fort heureusement, je ne serai plus que poussière à ce moment-là. Mais quid du sort de mes deux enfants et de mes quatre petites-filles ?

Pour conclure, m’en remettant à nouveau à Einstein, je voudrais vous dire que : « J’écris comme si j’étais assuré de la vérité de mes propositions, mais je les écris simplement pour la forme la plus commode de l’expression et non comme témoignage d’une excessive confiance en moi-même ou comme conviction de l’infaillibilité de mes simples conceptions, sur des problèmes en fait affreusement complexes. »

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